dimanche 10 mai 2015

1914 -1918 :UOMINI CONTRO - : " MAI PIU VOGLIAM LA GUERRA ! " DE ANCONE (1914) A TURIN (1917) , L'ITALIE CONTRE LA GUERRE

JUIN 2014: IL Y A 100 ANS: LA SEMAINE ROUGE D' ANCONA
Plus jamais la guerre!
2015 : les commémorations du centenaire ne sont pas finies , même si , en Belgique , nous attendrons plus de 3 ans la prochaine commémoration à BRUXELLES, celle du du 11 novembre 1918.
N'oublions pas qu'il s'agit d'une guerre mondiale, et que en ce  printemps  2015 on commémore aussi bien le centenaire du génocide arménien, celui – fêté en grande pompe par la TURQUIE d' ERDOGAN, - de la bataille de GALLIPOLI dans les DARDANELLES, victoire ottomane  contre l' ENTENTE , et celui de l'entrée en guerre de l' ITALIE, aux côtés de l' ENTENTE – ce 24 mai précisément.
N'oublions pas non plus – c'est en 2015 - le centenaire de la réunion de la gauche internationaliste à ZIMMERWALD.
C'est aux internationalistes  italiens , particulièrement ceux du Parti Socialiste  ,que je dédie ce blog .D'autant plus que nous,  militants de  gauche de Belgique,  avons un devoir spécial de mémoire vis a vis d'eux.
En effet, un des  dirigeants du POB ( Parti Ouvrier Belge) les plus en vue, JULES DESTREE, appuyé par "le patron" du POB, EMILE VANDERVELDE,  a combattu de toutes ses forces ,avec mépris et arrogance,  sur place en ITALIE, leur refus de participer à la grande boucherie, et ils ont soutenu le dissident , pourtant exclu du PSI, partisan de la guerre, un certain BENITO MUSSOLINI.
MAI  1915 : LES BUTS DE GUERRE DE L' ITALIE
Avril 1915, il y a 100 ans était signé à LONDRES le premier traité secret de la 1ère guerre mondiale.,, le traité de LONDRES .
Ce traité a été conclu entre la FRANCE, la GRANDE BRETAGNE et la RUSSIE d'une part et l'
LES IZVESTIA révèlent en 1917 l'existence du traité
ITALIE d'autre part. Son existence a été révélée par les IZVESTIA, journal  du Comité exécutif des députés ouvriers de  PETROGRAD. le 28 février 1917, sous le titre « Les résolutions de la conférence de Londres du 26 avril 1915 » .

Si on voulait donner un cas d'école pour démontrer la véritable nature de la guerre 14-18, il suffirait de prendre l'exemple de l' ITALIE.
Guerre pour la civilisation, contre la barbarie pour la liberté et la démocratie , contre les autocraties ?
Ce furent les belles paroles pour créer une opinion et entraîner les troupes au massacre, mais dans l'ombre,  les véritables objectifs étaient couchés sur papier et tenus secrets.
Nous avons déjà vu comment les Alliés ( FRANCE et GRANDE BRETAGNE) avaient roulé dans la farine les nationalistes arabes, au moyen du traité secret dit « SYKES PICOT » 

Las ! Regardons les textes et les cartes des traités de LONDRES et de St JEAN DE MAURIENNE, et on comprend tout de suite  la nature de la guerre 14-18.
Voici les principales résolutions du traité secret entre l’Italie et les Alliés le 26 avril 1915, signé , il faut le souligner à  l'insu du parlement italien, et avec promesse du gouvernement italien de déclarer la guerre à l' AUTRICHE- HONGRIE dans les 30 jours, ce qui fut fait.



« (...)
 2- L’Italie s’engage, d’autre part, à conduire la guerre avec toutes ses forces disponibles aux côtés de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie contre les pays avec lesquels ces puissances sont en guerre. 
4- Lors de la conclusion de la paix, l’Italie obtiendra la région du Trentin, tout le Tyrol du Sud, jusqu’à la frontière naturelle, c’est-à-dire le Brenner, la ville et la région de Trieste,(...) toute l’Istrie, (...)
5- L’Italie obtiendra la province de Dalmatie, sous sa forme actuelle, y compris, au nord, Lissarik et Trebinje, ainsi que les îles situées au nord et à l’ouest de la côte dalmate ; la côte au sud de Raguse, la base de Cattaro (Kotor) comprise, sera neutralisée ;
6- L’Italie obtient la pleine possession de Valona, l’île Sasseno et leur région indispensable à sa sécurité. ( VLORA en ALBANIE)
7- L’Italie ne s’opposerait pas au partage des régions frontalières nord et sud de l’Albanie entre la Serbie, le Monténégro et la Grèce, si tel était le souhait des puissances alliés. L’Italie aurait le droit de diriger les relations extérieures de l’Albanie.
8- L’Italie reçoit la pleine possession des îles Dodécanèse, qu’elle occupe.
9- La France, la Grande-Bretagne et la Russie reconnaissent fondamentalement l’intérêt de l’Italie à maintenir l’équilibre de la Méditerranée et son droit à avoir, lors d’un partage de la Turquie, la même participation à la Méditerranée, notamment dans la partie adjacente à la province Adalin, où l’Italie a déjà acquis des droits particuliers et développé ses intérêts mentionnés dans la convention italo - britannique.
10- En Libye, les droits et prétentions qui, aujourd’hui encore, appartiennent au sultan, conformément aux accords de Lausanne, passeront à l’Italie. »

En 1917 les accords de St Jean de Maurienne, dont personne ne parle plus jamais, détaillent à la fois le traité de Londres et les accords SYKES PICOT en ce qui concerne le partage de la Turquie, « sous réserve d'accord du gouvernement russe » , accord qui ne viendra jamais bien entendu. La Russie est en révolution et après octobre 1917 , le gouvernement bolchévik proclamera sa ligne de " paix sans annexion"   Mais on croit rêver quand on voit sur la carte de TURQUIE  la "zone (verte) sous contrôle italien

Liberté et civilisation ?  C'est bien d'irrédentisme (*) nationaliste dont il s'agit.
*"irrédentisme": après 1870, mouvement de revendication italien sur les terres « non rachetées » restées à l'Autriche, et  par extension, sur l'ensemble des territoires considérés  comme italiens.
C'est bien aussi d' intérêts économiques , le charbon d' ANATOLIE par exemple, et géo-stratégiques  le contrôle de l' ADRIATIQUE vers la mer EGEE dont il est question.
 Et aussi de l'entreprise coloniale italienne. Unifiée trop tardivement pour participer au partage du monde et en particulier de l'Afrique, la bourgeoisie impérialiste italienne s'est emparée de la SOMALIE, et de l' ERYTHREE, en 1889-1890, mais a échoué en 1895 dans sa première guerre de conquête de l' ETHIOPIE ( appelée à l'époque ABYSSINIE).
 Elle a participé au partage des concessions en Chine, à  TIENTSIN.
En 1911 , elle avait déjà  lancé contre l'Empire Ottoman, une guerre de conquête de la LYBIE, occupant par la même occasion les îles du DODECANESE  ( RHODES étant la plus connue) pour étendre son influence en mer EGEE.  

Irrédentisme nationaliste, objectifs économiques et géo stratégiques, participation au partage colonialiste du monde, tels sont les buts de guerre de la bourgeoisie italienne.
Après l'Armistice, dans les congrès de VERSAILLES, RAPALLO, SEVRES et  puis de LAUSANNE (1923),  la bourgeoisie italienne  n'obtint pas ce qu'on lui avait promis : excepté le TRENTIN - HAUT ADIGE et l' ISTRIE.
Le président des USA, WILSON,  nouveau venu au partage du gâteau, joua les trouble -fête, les "empêcheurs de partager en rond", brandissant contre ses rivaux européens, le drapeau du  "droit des peuples à disposer d'eux mêmes".
Un des principaux convives, la RUSSIE a , elle,avit déjà quitté le club, en claquant la porte du partage impérialiste: "la paix sans annexions ni indemnisations!"proclament les bolchéviks.
 Un autre  convive la GRECE , entrée  en guerre forcée et contrainte par les anglo - français en 1917, avait elle aussi  ses objectifs dont la THRACE,SMYRNE ( IZMIR) et... CONSTANTINOPLE!

DALMATIE ?  l' ITALIE  obtint la souveraineté d' une petite enclave à ZARA ( aujourd'hui ZADAR)
FIUME ( aujourd'hui RIJEKA) revendiquée d'abord par le gouvernement italien, est occupée pendant 18 mois par les troupes du poète, aventurier nationaliste,   D' ANNUNZIO , puis évacuée.

ALBANIE ? Elle dut évacuer VALONA , occupée de 1914 à 1920 ( aujourd'hui VLORA)

1916 :VLORA (ALBANIE) occupée par les Italiens

















1936: Le nouveau gouverneur fasciste à RHODES ( DODECANESE)















TURQUIE? Après avoir occupé en 1919 ADALIA (aujourd'hui ANTALYA) et sa province jusqu'à KONYA ,et obtenu au traité de SEVRES (1920) une large "zone d'influence", grignotée cependant par les prétentions grecques, elle préféra pactiser avec, voire assister  la résistance nationale turque menée par KEMAL ATATURK contre les annexions ; celui ci put ainsi  concentrer ses troupes contre l'occupant grec. ( guerre gréco turque de 1919-1922)
L'ITALIE évacua l'ANATOLIE début 1922.
Après le traité de LAUSANNE (1923), qui annula celui de SEVRES et mit fin à toutes les prétentions coloniales de la GRECE et de l' ITALIE,    elle maintint son occupation  des  iles du DODECANESE jusqu'en 1943.
AFRIQUE ? : aucune miette des colonies allemandes ne lui fut accordée.

Le projet impérialiste, comme revanche sur les traités de VERSAILLES, de RAPALLO et de LAUSANNE (  la bourgeoisie italienne parlera d' "une paix mutilée"),  fut un  des axes de la politique fasciste de MUSSOLINI: agression contre l' ETHIOPIE en 1935, annexion de l'ALBANIE en 1939, protectorat de DALMATIE en 1941.
Il s'effondra avec le fascisme.

LE PEUPLE ITALIEN CONTRE LA GUERRE
Mais , face à ces projets impérialistes de la bourgeoisie ,le peuple italien a montré , et ce dés l'occupation de la LYBIE en 1911, son opposition prolongée à cette politique; et il a écrit une page de révolution...
C'est tellement important de le dire, de le crier 100 ans plus tard.
Non l' ITALIE, des années 14 ne se réduit ni au sordide marchandage de sa bourgeoisie, négociant avec chaque bloc sa part du gâteau,  ni  à l'odieuse trahison de MUSSOLINI, ni  à l'aventure nationaliste du poète  D'ANNUNZIO.
L' ITALIE de ces années là, l' ITALIE du peuple , elle est décrite dans les lignes qui suivent, d' ANCONE à TURIN.
Et celle du front est si bien décrite dans le film UOMINI CONTRO de ROSI
voir: http://rouges-flammes.blogspot.be/2014/07/1914-1918-uomini-contro-des-hommes.html
Et son chant "AVANTI POPOLO-" , écrit en 1908, a traversé l'histoire.
 CONTRE LA GUERRE DE LYBIE - 1911
"Un bel exemple d'unité d' action est celle  qui se réalisa en octobre 1911, lorsque GIOLITTI se laissa forcer la main par les magnats de l'industrie, et décida la conquête de la LYBIE, déclarant la guerre à la TURQUIE ( 29 sept,  1911), et fit débarquer un corps expéditionnaire."
[...]
Cependant , l'opposition était forte : l'opposition socialiste à l'impérialisme colonialiste en général, l'opposition républicaine privilégiant la libération du TRENTIN et de TRIESTE, le sentiment général à gauche que l'entreprise était dictée par le désir de redorer le blason du militarisme de la Maison de Savoie et d'ouvrir un nouveau cycle d'aventures impérialistes.
En Romagne, "on jugea le moment était venu de mettre à l'épreuve les forces révolutionnaires romagnoles. Par une action convergente sur les ligues socialistes et républicaines, nous arrivâmes à la proclamation de la grève générale, que nous nous efforçâmes de transformer en conflit ouvert avec les forces de l'ordre. Les actes de sabotage, spécialement sur les lignes de chemin de fer, alternaient avec les combats contre les carabiniers et la cavalerie....
Mais après 3 jours de bagarres et de meetings, malgré l'opinion de MUSSOLINI (*) et la mienne , la décision fut prise de mettre fin à la grève. Les autres villes avaient insuffisamment répondu: la CGL (Confédération Générale du Travail) s'était limitée à une protestation laconique; à ROME, à BOLOGNE et à NAPLES,  les nationalistes descendus dans la rue avaient même bastonné les ouvriers..."  
 (* à l'époque dirigeant socialiste)          
PIETRO NENNI - 20 ans de fascisme  MASPERO Paris 1960

sur la guerre en LYBIE voir aussi  MANLIO DANUCCI Le colonialisme nouveau est arrivé - il manifesto   http://www.voltairenet.org/article171634.html § 10/2011

LA SETTIMANA ROSSA - ANCONE - JUIN  1914
La semaine rouge;
 Le dimanche 7 juin 1914, fête de la Constitution , pendant que se déroulait à ANCONE la traditionnelle revue militaire, républicains et anarchistes se rassemblèrent à la VILLA ROSSI, dans un meeting antimilitariste, (en présence d’Errico Malatesta , leader charismatique des anarchistes) contre la guerre, demandant la libération de deux appelés du contingent, Augusto Masetti (emprisonné pour acte antimilitariste) et Antonio Moroni (compagnie disciplinaire pour propagande antimilitariste)
 Lorsque les 600 participants sortent, les carabiniers les frappent, y compris femmes et enfants, puis tirent (70 coups de feu ). Les versions sont évidemment différentes. Faisons confiance à Pietro Nenni d’après lequel "ce fut la police d’Ancone qui voulut le massacre à tout prix, qui le provoqua et le prémédita en connivence avec les forces réactionnaires".
La mitraille blesse une quinzaine de participants et en tue trois : Antonio Casaccia, 24 ans, Attilio Gianbrignoni, 22 ans et Nello Budini, 17 ans.
Une forte mobilisation populaire se développe alors sur la ville.
Le comité central du syndicat des Cheminots, réuni à Ancone le même jour, organise la grève générale à partir du 9 juin.
Le syndicat révolutionnaire "Unione Sindacale Italiana" (environ 100 000 membres) appelle à la grève générale sur tout le pays.
Dès le 8 juin, les Marches, la Romagne et l’ Emilie sont touchés par une grève générale. Le mouvement se propage aussi rapidement en Toscane au cri de « À bas les fusilleurs du peuple ».
Le 10 juin, la grève et les actions collectives contre le gouvernement et les forces réactionnaires s’étend à toute l’Italie;
PIETRO NENNI raconte :
"A ANCONE, nous exercions le contrôle sur toute la ville: on n'entrait pas et on ne sortait pas sans un laissez-passer que j'étais chargé de délivrer .
Pour éviter à la population de manquer de vivres, nous avions organisé un système de  réquisitions par des bons régulièrement honorés ; pour assure les communications, la Bourse du Travail disposait d'agents de liaison à bicyclette et avait réquisitionné un certain nombre d'autos. 
Le gouvernement avait décidé le débarquement de la division navale... et nous avions envoyé sur la jetée , pour recevoir les marins, un peloton serré de femmes qui les accueillirent avec des applaudissements, des fruits,des fleurs et des cris de "NE TIREZ PAS SUR VOS FRERES, MAIS SUR VOS CHEFS"

[...] Le mouvement de protestation risquait de s'épuiser de l'intérieur. C'est ce qui arriva grâce à la complicité de la direction réformiste de la CGL , qui par une décision que "L'AVANTI" définit comme une félonie, obtint que la classe ouvrière reprit le travail après 24 heures de grève générale.
ANCONE:  9 juin 1914: les funérailles  des victimes de la police
[...]La semaine rouge avait démontré l'existence en ITALIE d'un fort potentiel révolutionnaire. La réponse des masses avait pris un caractère plus agressif que de coutume, non seulement dans les provinces limitrophes, mais aussi à ROME, MILAN, FLORENCE et NAPLES.
[...]il y avait surtout la  volonté populaire d'en finir avec une classe dirigeante qui avait accumulé les preuves de son parasitisme.
A ANCONE, les arrestations se montèrent à plusieurs centaines. MALATESTA put se soustraire à la prison et réussit à se réfugier à LONDRES; je fus arrêté, avec les dirigeants de la Bourse du Travail et renvoyé aux Assises sous l'accusation d'atteinte à la Sûreté de l'Etat."

PIETRO NENNI - 20 ans de fascisme  MASPERO Paris 1960

LE COMMENCEMENT DE LA GUERRE : MAI 1915
Je publie ci dessous pour les lecteurs courageux , ou passionnés,- mais les passionnés sont souvent courageux- quelques "bonnes feuilles" tirées d'un  ouvrage de 1931 de G. GERMANETTO.
Coiffeur, secrétaire fédéral du parti socialiste de la province de CONI ( CUNEO) dans le PIEMONT, il témoigne de ces années de guerre et de révolution. Il participera avec GRAMSCI et BORDIGA à la fondation du PCI en 1921.
Comme quoi, il y a aussi des coiffeurs révolutionnaires!
Long sans doute ( malgré quelques coupures) mais tellement instructif!
Sa description de l'insurrection de TURIN est particulièrement parlante.





                                                                                                                                         dente.

L'INSURRECTION DE TURIN  - AOUT 1917
"Tant de bruit pour un peu de pain,mangez donc des gâteaux!"


Poursuivons avec les "bonnes feuilles de G. GERMANETTO - Souvenirs d'un perruquier :

"Plus la guerre se prolongeait, plus la réaction faisait rage: arrestations , condamnations pleuvaient...
Les soldats permissionnaires racontaient les atrocités de la guerre, l'enrichissement éhonté des spéculateurs.
La bourgeoisie ne se gênait plus; les nouveaux riches insultaient par leur luxe la misère générale;
[...] Et l'on promettait monts et merveilles : la démocratie, la liberté.
En attendant, les fournisseurs livraient à l'armée des chaussures à semelles de carton et des conserves avariées.
Les soldats mouraient de froid dans les tranchées inondées ou de maladies causées par la mauvaise nourriture.
A la fin de juillet 17, le pain commença à manquer à TURIN. Noir, indigeste ,mélangé à des succédanés divers, peu nutritif, il constituait l'aliment principal des ouvriers. La population commença à s'inquiéter.
Le 22 août, le pain manqua complètement dans les boutiques.
A 5 heures, les ouvriers de toutes les entreprises sortirent dans la rue. Les "mobilisés"exemptés du front arrachaient leur brassard tricolore et se joignaient aux grévistes.
le secrétaire de la Chambre du Travail fut arrêté. Les réformistes tentèrent vain de lancer un appel à l'ordre.
Une délégation fut envoyée à MILAN, à la direction du parti et à la CGL pour demander d'élargir le mouvement, mais elle se heurta à un refus.
La révolte spontanée des masses se développait sans direction aucune.
D'une luxueuse automobile,... une voix railleuse se fit entendre: "Tant de bruit pour un peu de pain, mangez donc des gâteaux!"
Et l'on se mit à piller les pâtisseries!
Le mouvement, parti du centre s'étendit aux extrémités de la ville . Des barricades s'élevèrent, mais mal construites, elles étaient faciles à prendre.
TURIN 24 AOUT 1917

Premières escarmouches avec la police, premières victimes. Les ouvriers saccagent les armureries et s'emparent des fusils et des révolvers.
Des détachements militaires sont adjoints aux policiers...Mais ces troupes elles - mêmes ne sont pas sûres. Les soldats pâles, froncent les sourcils, les officiers sont indécis.
Les femmes apportent de la nourriture aux soldats et leur disent: 

"Ne tirez pas,  vous êtes  nos  frères"

 Un détachement d'alpins ayant reçu l'ordre de tirer, remet ses fusils aux ouvriers! C'est alors parmi la foule une explosion d'enthousiasme.
Et pas un seul homme du parti!
On commence par réclamer du pain, puis des cris se font entendre:  " A bas la guerre! Nous voulons la paix! Déposez les armes, abandonnez les tranchées!"
On se met à chanter: 
Prendi il fucile, e gettalo per terra!
Vogliam la pace, vogliam la pace!
Vogliam la pace, mai piu vogliam la guerra!

 La foule prend d'assaut un commissariat de police et se dirige vers le centre, vers la préfecture, vers les casernes.
24 AOUT 1917: "les mutilés demandent du pain au gouvernement
Comme toujours, en pareil cas, même sans chefs, elle cherche instinctivement, à transformer son succès en victoire, à s'emparer du pouvoir.
Mais les mitrailleuses et les autos blindées entrent en scène . Les morts alors ne se comptent plus. La ville plongée dans une demi obscurité, le crépitement de la fusillade, le claquement de la mitrailleuse, le grondement des automobiles... Jamais je n'oublierai cette journée!
Grand fut l'héroïsme du prolétariat! ... Des femmes forcèrent des cordons de troupe, et barrèrent la route aux monstrueux engins de mort
L'ordre de faire donner les mitrailleuses ne fut pas partout exécuté: les soldats blêmes,le visage baigné de sueur et de larmes ne voulurent pas tirer..
Mais la résistance ne pouvait pas durer longtemps; On disait que le parti socialiste conseillait de reprendre le travail. On était sans chefs...
Au bout de quelques jours, le mouvement fut étouffé... le nombre de morts , officiellement était de 42, mais selon nos calculs, ils dépassaient 500 et les blessés se comptaient par milliers. La police interdit d'exposer les morts, qui furent ensevelis sans que leurs parents eussent pu venir les reconnaître.
Le parti socialiste, avec la Confédération Générale du Travail, lança un manifeste appelant à la reprise du travail.

QUEL PARTI SOCIALISTE ?

La plate forme du parti socialiste italien se distinguait alors de celle de la plupart des partis affiliés à la IIème Internationale.
Le PSI avait refusé son adhésion à le guerre, il avait refusé d'entrer dans le bloc de l'Union sacrée, d'assumer une partie de la responsabilité du massacre. La trahison de Mussolini n'avait pas provoqué de crise en son sein ; au contraire, les masses s'étaient groupées plus étroitement autour de lui.
Mais cette plate forme purement négative n'était pas une plate forme de combat: ne pas soutenir la guerre, ni la saboter, c'était se condamner à l'immobilité. Et pourtant, il était impossible de rester au dessus de la mêlée.
Le parti , figé dans une négation passive ne voyait pas le funeste travail des réformistes, qui avaient mis la main sur les syndicats, et collaboraient avec le patronat. il ne remarquait pas le mécontentement profond qui se développait au sein des masses et qui s'exprimait par des soulèvements sporadiques.
Dans cette situation, grosse de possibilités immenses, le parti représentant de la classe ouvrière, s'en tenait ostensiblement à sa formule sacramentelle: "ni soutenir, ni saboter" la guerre, acte de violence monstrueuse de la bourgeoisie sur le prolétariat.
C'est dans cette situation anormale du parti socialiste qu'il faut rechercher la cause première de la défaite du prolétariat.
Caporetto! (Caporetto: lourde défaite en octobre - novembre 1917 de l'armée italienne face aux armées  austro- allemandes)
Caporetto, c'est la tragédie de la société bourgeoise italienne. Caporetto, c'est la débandade de l'armée, la faillite de la classe dirigeante, et de l'appareil d'état, l'explosion du mécontentement de la population laborieuse.
Et dans cette période où l'armature de l'Etat était complètement disloquée, la classe ouvrière n'était pas organisée pour porter le coup décisif à son ennemi de classe. 
Les soldats qui quittaient le front jetaient leur fusil dans les fossés au lieu de les tourner contre la bourgeoisie.
les paysans s'enfuyaient dans les bois au lieu de s'emparer des terres, les ouvriers travaillaient pour leurs maîtres au lieu d'occuper les fabriques et les usines?
Pourquoi? 
Pourquoi de la population exténuée par la guerre, pourquoi des rangs de l'armée battue, ne s'éleva -t-il pas une voix pour appeler à la lutte contre l'ennemi de classe, contre le grand propriétaire foncier, l'usinier, les gendarmes, le roi, le clergé? 
Pourquoi?
Parce que l'organisation politique du prolétariat n'était pas à la hauteur des circonstances.
A ce moment, grave entre tous, le parti socialiste italien en fait n'existait pas.


G. GERMANETTO -  SOUVENIRS D'UN PERRUQUIER - BUREAU D'EDITION PARIS 1931    pp100-108.