lundi 27 février 2017

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS : JEAN DENIS BOUQUETTE DECAPITE EN PLACE DE HUY LE 24 JUIN 1794

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Le monument du Mont Falise

Ma passion d'historien amateur me pousse maintenant aussi à me rapprocher de ma région d'adoption- où je vis (et y ai aussi travaillé ) depuis quand même 35 ans. : le pays de Huy, de la vallée de la Meuse et des plateaux de Hesbaye et du Condroz liégeois.
Tant je découvre chaque jour , surtout bien sûr via le net , des personnalités d'hommes et de femmes d'exception, mais oubliées – non seulement de moi, mais, je, le crois très largement.

Je découvre donc aujourd'hui une figure méconnue de la révolution liégeoise de 1789 dans notre bonne ville de HUY : Jean Denis BOUQUETTE . Vous connaissez ?
Il s'agit d'un héros de la révolution liégeoise qui a payé son engagement révolutionnaire de sa vie.
Comme quoi, si la révolution à Liège, démarrée le 18 août 1789, sous l'influence des événements en France , a pu être appelée la binamée révolution, tant tout s'est passé dans le calme, sans victimes, ni violences majeures les différentes phases qui ont suivi n'ont pas été « un diner de gala ».

LA REVOLUTION LIEGEOISE ( 1789-1795)
Quelques dates :(1)
1ère période révolutionnaire :18 août 1789- janvier 1791 
1ère restauration  de l'ancien régime : janvier 1791 – novembre1792
2ème période révolutionnaire : nov 1792-mars 1793
2ème restauration :mars 1793 – juillet 1794
3ème période révolutionnaire : juillet 1794- octobre 1795
Rattachement à la France : 1795-1815

Mais derrière ces dates se cache un enchevêtrement complexe d'intérêts qui dépassent de loin le seul affrontement de classe à Liège, entre d'une part la bourgeoisie assistée du prolétariat et d'autre part les classes dominantes de l'Ancien régime ,la noblesse et le haut clergé dont le pouvoir est concentré entre les mains du prince évêque Hoensbroeck et du chapitre de Saint Lambert.
Interviennent de manière décisive et militairement dans le rapport de force ,d'une part la France révolutionnaire, proclamée République le 21 septembre 1792 , et d'autre part les multiples composantes et organisations féodales du Saint Empire germanique, sorte de colosse aux pieds d'argile , miné par les rivalités entre l'Autriche des Habsbourg et la Prusse des Hohenzollern, qui toutes deux interviendront à leur manière et en pleine rivalité, dans la principauté.

Reportons nous donc à la 1ère période révolutionnaire ,le 18 aout 1789. ;
 Tandis que l'armurier Gosuin (1746-1808) à la tête de ses ouvriers s'empare de l'hôtel de ville, Jean-Pierre Ransonnet(1744-1796) s'empare de la citadelle. L'ancienne administration s'effondre. Les bourgmestres sont expulsés de la Violette.
Jacques-Joseph de Fabry (1722-1798) et Jean-Remy de Chestret (1739-1809) sont acclamés bourgmestres-régents. Et Gosuin manbour de la Cité.(2)
Le règlement de 1684 (3) est aboli. La garde bourgeoise est rétablie (32 compagnies - 1 par paroisse).
Ramené du château de Seraing, l'évêque HOENSBROEK , ratifie les décisions révolutionnaires
.

« LOUKI GRAND-PERE, KI COULA V'VA BIN... »
(Regardez Grand Père comme celà vous va bien..)
le prince évêque HOENSBROECK
C'est semble t'il à ce moment là que Jean Denis Bouquette , d'origine liégeoise, entre en scène
« Bien qu’il affichât une vive opposition à l’égard de la fonction de prince-évêque en raison de la dimension religieuse de ce pouvoir, J-D. Bouquette, fripier de son état, avait réussi dans les affaires en s’imposant comme l’un des fournisseurs de la cour.
Sans être un théoricien des Droits et Libertés, mais plutôt par tempérament, il se mêle aux événements du 18 août 1789. Petit bourgeois partisan d’un changement, le commerçant ne souffrait pas le désordre provoqué par le petit peuple. Pourtant, quand le prince-évêque Hoensbroeck est reconduit à l’hôtel de ville de Liège, est contraint d’approuver l’abrogation du règlement de 1684 de Maximilien-Henri et apparaît symboliquement au balcon, J-D. Bouquette saisit l’occasion pour accrocher sa propre cocarde « révolutionnaire » sur le vêtement de l’évêque (18 août 1789).
Les versions de l’événement varient d’un « commentateur » à l’autre, mais chacun rapporte les mots prononcés en wallon par Bouquette : « Louki, grand-père, ki çoulà v’va bin ! N’aï nin paou, vo’n polé mâ » (Regardez, grand-père, comme cela vous va bien ; n’ayez pas peur, vous ne « pouvez mal »). La portée politique de l’acte pèsera lourd dans le jugement définitif rendu en 1794 : crime de lèse-majesté ! » (4)
Et leur vengeance sera un plat qui se mange froid...

LA REVOLUTION A DINANT ; BOUQUETTE , OFFICIER MUNICIPAL
Mais c'est au cours de la 2ème période révolutionnaire que nous retrouverons , 3 ans plus tard, fin 1792, Jean Denis Bouquette .
« L’accueil enthousiaste dont bénéficièrent les soldats de la République fut suivi d’une reprise de la dynamique révolutionnaire des années 1789-1790. Celle-ci se radicalisa, par l’instauration dans la principauté de municipalités révolutionnaires élues au suffrage universel. A Liège, les jeunes votèrent dès dix-huit ans ; les étrangers résidant dans la ville depuis cinq ans furent assimilés ; on supprima la nécessité de payer une certaine somme d’argent pour être électeur (instaurée en 1790, lors de la première phase de la révolution) ; on entreprit la mise en place d’une Convention nationale liégeoise élue au suffrage universel. »  (5)
Le processus se répandit dans toutes « les Bonnes Villes »
A Dinant, les Républicains ( Les français) installèrent leur quartier d’hiver dans la ville et ses alentours, le 8 novembre1792
Le 16 décembre, les Dinantais partisans du nouvel ordre convoquèrent le peuple par voie d’affiches et par "son de caisse" en l’église du collège des Jésuites. Le peuple fut invité à se choisir une assemblée provisoire.
66 électeurs sont élus et ceux-ci désignèrent à leur tour 27 administrateurs ( oficiers municipaux , je suppose) pour la ville et 5 jurés. Le jour de l’An 1793, après avoir entonné le Chant des Marseillais aux dépens du Te Deum prévu, ils proclamèrent dans la collégiale Notre-Dame, la République.
Et parmi les officiers municipaux, J-D. BOUQUETTE . On dirait aujourd'hui un échevin ou un « adjoint au maire » en France .
Mais la Révolution voulait aussi s 'attaquer aux propriétés démesurées de l'Eglise, le plus grand propriétaire de la Principauté et à ses richesses considérables accumulées depuis des siècles sur la sueur et le sang des paysans, notamment par le prélèvement de la dime.
C'est ainsi que le citoyen BOUQUETTE eut à intervenir semble t - il dans l'affaire de l 'ABBAYE de LEFFE.

LE SEIGNEUR ABBE GERARD DE LEFFE , RECELEUR DES TRESORS DE L'ABBAYE

Le 7 février, les portes de l’abbaye de Leffe furent forcées. En présence de trois représentants de la
Le seigneur abbé de Leffe Frédéric GERARD
municipalité, le juge de paix interrogea le seigneur abbé Gérard sur la disparition des biens mobiliers. L’abbé garda le silence et, puisque la fouille des bâtiments conventuels n’avait rien donné, le citoyen Bosque ordonna la
garde à vue de l’abbé Gérard et fit emporter par ses hommes les registres et papiers du monastère. Pendant quatre jours, Frédéric Gérard resta enfermé dans sa chambre pour méditer sur "ses égarements". Sur ordre de la municipalité, il fut ensuite emmené afin de subir un interrogatoire serré. Mais l’abbé s’obstina et pour cause, les objets convoités sont cachés à Namur. Il fut alors séquestré dans une maison voisine de l’hôtel de ville. Sa détention fut longue et pénible. Ses geôliers l’insultaient et lui donnaient le titre de "premier tyran et plus grand despote de Dinant". Les autres religieux de la communauté furent aussi inquiétés.
La détention se poursuivit et s’avéra payante. La cachette fut révélée. L’inventaire des valeurs mobilières commenca le 13 février et se poursuivit le 26 février et le 5 mars suivants. Au total plus de 1.700 onces d’argent, évaluées à 8.554 livres furent inventoriées par Henri Nalinne, citoyen-orfèvre de Dinant. La croix processionnelle, les six grands chandeliers du maître autel, la crosse abbatiale, calices, encensoirs, jusqu’aux couverts de table et même une cuillère à ragoût, rien n’échappa au contrôle. (6)
Mais les troupes de la République allaient devoir reculer, et le prince évêque Gustave de MEAN et toute sa clique revenir au pouvoir dans les charrettes de l'armée autrichienne.
Et le 9 mars 1793, « le prince-évêque déclare nuls tous les actes du gouvernement des patriotes et rétablit les anciennes institutions. » 

LE CITOYEN BOUQUETTE JUGE ET EXECUTE A HUY
Lisons maintenant un morceau d'anthologie : ces lignes rédigées tout à la gloire de l'Eglise et des puissants sont le fait du, Mr l'Abbé Dupierry  curé d' Antheit de 1920 à 1943.
Ce qui est interpellant, c'est qu' elles sont toujours aujourd'hui, en 2017, accessibles sur le site d'une école catholique du coin , sans la moindre note explicative.

« le prince-évêque de Méan, rentré dans sa ville, proclama bien une nouvelle et très large amnistie, mais il eut été de la dernière inconséquence de ne pas sévir, et sévèrement, contre les fauteurs de troubles. Au vrai. il en restait, croyait-on, peu.
A Huy, la ville est sous la coupe du Citoyen Bouquette, un ouvrier dinantais, au verbe haut; il ne craint pas de monter dans la chaire de la collégiale et d'appeler à l'émeute le ban et l'arrière-ban de la plèbe : on a tout à redouter de semblables meneurs.
Il fut appréhendé par la maréchaussée, condamné à mort par les échevins de Liège et exécuté sur la grande place de Huy, le 25 mars 1794 » ( Abbe Dupierry : Notes d'histoire)
Coupable d’avoir mis des scellés sur des maisons religieuses, d’avoir collaboré à l’arrestation de l’abbé-seigneur de Leffe et de s’être fait propagandiste du « système français le fripier Jean-Denis Bouquette est arrêté et décapité à Huy le 24 juin 1794.
Le monument du Mont Falise
« En 1793, à Dinant, l’épouse Coster, l’épouse Denis Bouquette et Marie Sibert, implorèrent l’intervention du conseil (conseil des métiers) pour obtenir la clémence du prince-évêque en faveur de leurs époux et père respectifs. 
"Les métiers furent consultés et celui des potiers et fondeurs soucrivit à la supplique des malheureuses ; ce fut son dernier geste. On sait qu’il fut vain, car Denis Bouquette fut exécuté à Liége. Coster et Sibert ne durent la vie qu’à l’intervention des troupes de la République française ; ils avaient subi une année de détention (Extrait de « Histoire de la ville de Dinant » par Edouard GERARD Namur Editions de « Vers l’Avenir » 1936)
Selon P. Deschene, la mémoire du révolutionnaire hutois fut après le retour des troupes républicaines en juillet 1794 honorée avec pompe : « un cortège patriotique conduit la tête de Bouquette portée par quatre jeunes filles de blanc vêtues jusqu’à la Grand Place où elle est enterrée à proximité de la Fontaine du Marché, à l’endroit même où fut ensuite planté l’Arbre de la Liberté qui sera abattu sur ordre du commandant de l’armée prussienne d’occupation en 1815 ».
MONUMENT AU MONT FALISE

C'est 200 ans plus tard – en 1994, que sous l'impulsion du comité d'animation du Mont Falise et du Mouvement Wallon pour le retour à la France, que le projet d'un monument en mémoire à Jean Denis BOUQUETTE s'est réalisé .
Article de "WALLONIE FRANCAISE" mars 1994
« Le monument se présente sous la forme d’un cube en béton dont la partie supérieure a été tranchée en biseau ; émergent de ce cube huit longues tiges en acier qui soutiennent à leur sommet une sphère ajourée. Au centre de celle-ci apparaît une mitre de prince-évêque, faite en métal. Une symbolique certaine se dégage de ce monument inauguré le 24 juin 1994 par les autorités locales.(7)
Erigé à l'emplacement du GIBET de FALIZE, où la tête du martyr avait été exposée, ( coin de la rue du Mont Falise et de la chaussée de Waremme), aujourd'hui mal entretenu , gageons que les milliers d'automobilistes qui passent devant ne savent pas de quoi il retourne.








Je rêve d'une école où on apprendrait , sur le terrain ,l'histoire , la géographie, la biologie , la géologie etc. par la découverte de sa région ; plutôt que de ressasser sur des feuilles volantes improbables, de vieux poncifs sur la dynastie, la grande guerre etc.
Un jour peut être , après la prochaine révolution, liégeoise ou autre....
Et alors, ce jour là, les enfants sauront aussi qui était Jean Denis BOUQUETTE,
Si je veux dans ce blog lui rendre hommage , c'est avant tout pour célébrer la Grande Révolution française, qui a soulevé dans le monde entier et chez nous aussi ,un espoir de Liberté , d'Egalité et de Fraternité.
Abattre les privilèges des puissants , les nobles et le haut clergé, les 1% de l'époque , proclamer les Droits de l'Homme et du Citoyen, abolir l'esclavage, établir le suffrage universel,  c'est tout cela que représente pour moi dans notre bonne ville de HUY , Jean Denis BOUQUETTE.
Joignons le dans notre mémoire à Grégoire Joseph CHAPUIS, chirurgien de VERVIERS, révolutionnaire et lui aussi officier municipal, condamné à mort.le 30 décembre 1793 ,et décapité sur la place du Sablon, à Verviers,( devenue la place du Martyr) le 2 janvier 1794.
Et à Augustin BEHOGNE, paysan révolutionnaire , décapité en public à JEHAY



  1. sur Gosuin et la révolution liégeoise , le blog de mon ami Hubert Hedebouw
  1. 1684 : Sorte de coup d'état prince Maximilien sur la gouvernance de la principauté «  Le régime communal avait subi une transformation complète. Le règne de la démocratie liégeoise était expiré. La Cité, dont la vie politique avait brillé d'une si éclatante vigueur, tombait en état de sujétion. Ses institutions étaient faussées, ses privilèges confisqués, son indépendance anéantie. L'autorité princière remplaçait la souveraineté populaire. »

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