jeudi 1 mars 2018

GRANDES FIGURES DE CHEZ NOUS : AUGUSTIN BEHOGNE , DECAPITE LE 26 MARS 1794 A JEHAY , PAYSAN REVOLUTIONNAIRE OU DANGEREUX MALFAITEUR ?


JEHAY : Le  château des barons van den Steen ( acquis par la Province en 2000)


Aujourd'hui, je vous propose de nous promener  en Hesbaye à Jehay ,dans la région d'Amay et de Huy , et de remonter dans le temps jusqu'aux aux années de la Révolution liégeoise. (1789-1795)
Qu'en connaissons nous  ? Le château de Jehay, bien sûr ; l'abbaye de la Paix Dieu et l'abbaye de Flone. Ajoutons y la collégiale Ste Ode et St George à Amay et même la ferme de Malgueule à Jehay. 
Voilà l'essentiel du patrimoine historique , et nous mettons là le doigt sur le patrimoine issu des classes dominantes de l'Ancien Régime ; la noblesse et le clergé.

Abbaye de Flone

Collégiale Ste Ode et St George Amay
Abbaye de la Paix Dieu























HAUT CLERGE ET NOBLESSE

Le château et la seigneurie, propriété des comtes de Merode, une des plus grandes familles princières de Belgique (toujours par ailleurs bien présente aujourd'hui), deviendra en 1716 propriété d'une autre famille noble les van den Steen ( avec un petit « van » )-, et ce jusqu'à son acquisition par la Province de Liège en 2000. La ferme de Malgueule était elle aussi leur propriété.
Blason des seigneurs de Jehay
L' abbaye de la Paix - Dieu était domaine de moniales de l'ordre de Cîteaux et celle de Flone des chanoines de Saint Augustin jusqu' à leur confiscation en 1796-97 par la République Française ( nous étions alors ,ne l'oublions pas, le département de l'Ourthe) et leur revente ensuite comme biens nationaux.
Amay fut une seigneurie ecclésiastique, domaine du chapitre des 9 chanoines de la collégiale, lui aussi propriétaire de nombreux biens et terres et bénéficiant de nombreux privilèges.
Noblesse et haut clergé étaient on le voit étroitement liés, chanoines , moines et moniales étant souvent des mêmes familles de la noblesse, accumulant les richesses pour leur seule jouissance, exploitant le travail des paysans , les soumettant à de multiples taxes , réglementations, obligations et sanctions , la corvée, le cens, la dîme , dont le seul but était de les enrichir et de renforcer leur pouvoir .
Hoensbroeck: Le tyran de Seraing
En plus, dans l'état ecclésiastique de la principauté de Liège, le haut clergé, « l'état premier » détenait de fait le pouvoir politique – le prince évêque choisi parmi les siens (le chapitre cathédral des chanoines de Saint Lambert) avant d'être nommé prince par l'empereur germanique et évêque par le pape
Il était hégémonique , même par rapport à « l'état noble » sensé représenter les seigneuries, donc les seigneurs et LEURS manants (!).
Quant au « Tiers état », sensé représenter la population des 23 bonnes villes de la principauté, et donc leurs bourgeois artisans et ouvriers,  il était dénué de tout droit sous le règne dictatorial autocratique et réactionnaire du prince de Hoensbroeck (prince évêque de 1784 à 1792, appelé par les Liégeois « le tyran de Seraing ».)


PAYSANS DE HESBAYE : MISERE ET OPRESSION

Du côté des classes opprimées  , la situation était tout autre.
« Rarement dans la région, l’habitation du manant était construite en matériaux durables. On ne voyait guère que charpentes et maçonneries légères, torchis, chaumes propices aux incendies. 
Voilà qui explique qu’à Jehay, il ne reste pas de cette époque une seule maison paysanne. Primitivement, le château était entouré de masures desservies par des ruelles.(1)
 Ferme de Malgueule (ex  propriété du baron)
Par suite d’achats, d’échanges plus ou moins volontaires et de saisies, les de Mérode avaient éloigné ces voisins encombrants, ce qui leur permis de créer les jardins, d’élargir le grand étang et de tracer les magnifiques avenues...
Les châtelains ne se faisaient pas faute, à l’occasion, d’incorporer à leurs terres les chemins publics. »
Le peuple rural était partout pauvre et misérable : à part quelques fermiers propriétaires de leur ferme , la plupart des 341 habitants -76 feux- de Jehay ( en 1736) travaillaient pour les fermes du seigneur ou travaillaient un jardin ou lopin de terre pour lequel ils payaient bail au château ou à la cure.
Et la vie était singulièrement dure au paysan, dans la campagne hesbignonne.Il y avait aussi beaucoup d'indigents  mendiants , infirmes, impotents ou innocents. 
Certains habitants du village , des paysans-ouvriers en quelque sorte, avaient un métier , maçon, manoeuvre, tisserand, scieur, ardoisier briquetier, charpentier, qu'ils exerçaient dans les bourgs voisins .(2 )

Le seigneur était tout puissant et avait en quelque sorte pouvoir de justice et de police sur ses sujets.
C'est ainsi qu' en 1787, à Jehay, un voleur auteur d'un vol sans effraction,fut enfermé dans la prison du château , la garde du château étant renforcée, sur ordre du baron , nuit et jour, par 12 hommes armés
La « cour » , siégeant au château et présidée par le baron lui même, le condamne à 25 coups de fouet.
«  La lecture de la sentence ayant été donnée dans la grande salle, en présence de la population réunie, on remit le condamné au maître des œuvres. Puis le cortège reprit sa marche et conduisit le prisonnier au lieu du supplice, vis-à-vis de la brasserie banale » Là, il fut fouetté, puis chassé.( 3 )

Brassine banale, non pas à Jehay , mais à SOIRON
 La force motrice était fournie par une roue dans laquelle courrait un chien.
 Le Seigneur a droit à deux pots de bière par brassée et à deux tonnes par an, le
     curé a droit à un pot par brassée.
La révolte des paysans se focalisait sur certains monopoles établis par le seigneur : celui par exemple à Jehay de la « brassine banale ». (brasserie appartenant à la circonscription du seigneur)
Autrefois,chacun faisait sa bière pour sa consommation quotidienne, comme on fait le café , en faisant passer l'eau chaude sur l'orge ou le malt, en y ajoutant un peu de houblon pour le parfumer.On évitait ainsi de boire de l'eau de qualité douteuse ,qui était source d'épidémie.






 La brassine banale était une des prérogatives les plus importantes que le seigneur s'attribuait. Les manants étaient obligés d'aller brasser à cet endroit ; ils ne pouvaient aller acheter ailleurs ni revendre de la bière que le receveur de la " brassine banale " n'aurait contrôlée.
Les seigneurs de Jehay veillaient à conserver ce droit très ancien. 
Allée Sud du château  face à la brassine ??.

Ils le maintiendront à travers toutes les époques quelque soit la
famille seigneuriale. Le droit de banalité constituait une sorte d'impôt, un moyen de ressources sans doute, mais il mais il marquait aussi une attitude d'autorité que les seigneurs ne laisseront jamais décliner. 
 Elle était devenue à ce point symbolique d'autorité que l'exécution des châtiments corporels infligés aux condamnés avait lieu en face de cet édifice.
Fatalement, pour plus d'une raison, la population associait ce bâtiment à l'autorité du seigneur et le détestait.
 Elle était devenue à ce point symbolique d'autorité que l'exécution des châtiments corporels infligés aux condamnés avait lieu en face de cet édifice.
Fatalement, pour plus d'une raison, la population associait ce bâtiment à l'autorité du seigneur et le détestait.
Le peuple devenu libre signifia l'abolition de la brassine banale.
Les  révolutionnaires 
 tentèrent d'incendier le château et ils saccagèrent la brassine. (4 )


LA REVOLUTION LIEGEOISE ( 1789-1795)

Pour les classes opprimées, ouvriers, paysans,petits artisans, la vie en 1788-1789 est très dure : le prix du pain avait augmenté  et il y eut un chômage important , donc la misère ,dans les villes.
L’ensemble du peuple était aussi révolté par le fait que les possédants exportaient le blé à l’étranger, ce qui aggravait la disette dans la principauté. En 1787-1788, trois quarts de la récolte de blé furent exportés.
Dans la riche campagne de Hesbaye, où les activités semi-industrielles étaient rares, les
communautés villageoises se réunissaient en assemblées générales et dressaient des cahiers
de doléances, où le clergé était pris pour cible. ( 5 )
Suite à la disette de grains, après le rude hiver  1788-1789, parmi les paysans du Condroz naissait un mouvement contre la dîme due à l'Eglise. Le peuple se rendait de village en village, demandant l'abolition des privilèges des seigneurs et du clergé. Des bandes y exercent leur piraterie, et s'emparent du grain qu'ils jugeaient superflu pour le distribuer aux indigents. 
Les évènements révolutionnaires français, (prise de la Bastille) persuadèrent la bourgeoisie de lancer un mouvement populaire pour contraindre le prince-évêque à réaliser de profondes réformes.

La Révolution liégeoise est un événement historique des plus complexes , faite d'un enchevêtrement  d'intérêts qui dépassent de loin le seul affrontement de classe à Liège, entre d'une part la bourgeoisie assistée du prolétariat , les révoltes paysannes,et d'autre part les classes dominantes de l'Ancien régime ,la noblesse et le haut clergé .
Interviennent de manière décisive et militairement dans le rapport de force ,d'une part la France révolutionnaire, proclamée République le 21 septembre 1792 , et d'autre part les multiples composantes et organisations féodales du Saint Empire germanique, sorte de colosse aux pieds d'argile , miné par les rivalités entre l'Autriche des Habsbourg et la Prusse des Hohenzollern, qui toutes deux interviendront militairement à leur manière et en pleine rivalité, dans la principauté.

Quelques dates  comme aide mémoire :( 6 )
1ère période révolutionnaire : 18 août 1789- janvier 1791 
1ère restauration  de l'ancien régime : janvier 1791 – novembre1792
2ème période révolutionnaire : nov 1792-mars 1793
2ème restauration : mars 1793 – juillet 1794
3ème période révolutionnaire : juillet 1794- octobre 1795
Rattachement à la France : 1795-1815

AUGUSTIN BEHOGNE 
 
L AN 1719 : la ferme DONY
Augustin Behogne, originaire de Hannut s'installa dans la quarantaine, à Jehay à la "ferme DONY" située au « Saule Gaillard » ,après avoir épousé la veuve Rorive qui l'exploitait. Cette ferme  datée de 1719 existe toujours rue Saule Gaillard ( anciennement rue du Dessus)
Il était un paysan cultivé, relativement aisé , acquis aux idées des Lumières .
Citons maintenant  Arthur Bovy, historien local  ( 7 ) :
 « Il s’empressa de s’inscrire au club des patriotes d’Amay, où il débuta par de virulentes attaques contre la juridiction des chanoines.
A Jehay , il ne cessait de remontrer aux manants que depuis des siècles, ils étaient écrasés de servitudes, de corvées, de dîmes et de redevances de toutes sortes, sans parler du haut prix des denrées, qu’en prévision des années déficitaires les censiers ne se faisaient aucun scrupule d’accaparer. Il allait répétant à tout venant que l’heure était arrivée de secouer le joug odieux.
Le 18 août 1789,  la révolution  éclate à Liège.

LA REVOLUTION A JEHAY
Entre le 19 et le 26 août, alors que le baron était à Seraing, les chefs de la rébellion ( Behogne et trois villageois ndlr) à la tête d’une trentaine d’hommes, se rendirent au château, tambour battant.
Un des leaders , La Jeunesse, remit à la baronne épouvantée une requête réclamant l’abolition de la brassine banale (...) Puis, il fit connaître qu’il se proposait de délivrer gratis, pendant deux jours, de la bière à quiconque présenterait un certificat de civisme. Pendant plusieurs semaines, le village fut en effervescence. 
Dans la nuit du 26 au 27, l’évêque Hoensbroeck se réfugie en Allemagne, le baron de Jehay l’y accompagne, laissant au village le champ libre  à Behogne et à ses acolytes La Jeunesse, Cordonnier et  Loumage.
Le village de Jehay, comme les autres communautés hesbignonnes, s’administra lui-même. Il n’avait jamais connu d’autres autorités que son seigneur et son curé.
Vers la fin d’août 1789, des opérations électorales eurent lieu. Elles se déroulèrent, à Jehay, au milieu d’un grand enthousiasme. Behogne et ses amis ne manquèrent pas de célébrer bruyamment le nouvel ordre des choses.
Il fallut bientôt déchanter. .
Le 12 janvier 1791, le prince-évêque Hoensbroeck rentrait à Liège derrière les troupes de l’Empereur Léopold II et remettait en vigueur l’ancienne constitution.
Neuf jours plus tard, le baron revint à Jehay pour y afficher, sur l’église et sur le batty, le décret d’amnistie. Behogne et ses amis en étaient exclus. Il avait d’ailleurs disparu.
On le revit au village quand arrivèrent les troupes de la République française de Dumouriez, dans les derniers jours de 1792.

OFFICIER MUNICIPAL  :
Nommé officier municipal (échevin)et membre du comité régional de salut public, Behogne se multiplie.
Par un clair dimanche de ce mois de décembre 1792 , il monte dans le clocher de 
l’église et sonne la cloche du ban pour assembler les habitants sur le batty, où il leur annonce la déchéance du prince-évêque et la réunion du pays à la République française. ...
On le rencontre partout ; dans les fermes du   château de Jehay, de Malgueule, de Hepsée, de Warfusée et dans les villages des environs, il réquisitionne du grain et des fonds pour l’armée.

Carte de Ferraris des Pays Bas autrichiens(1770-1778)
on y repère le château, la ferme "Malgeul", la brassine, et sans doute la ferme Dony

CONDAMNE A MORT ET DECAPITE
Hélas, le réveil fut terrible.
 Le 5 mars 1793, les Autrichiens réoccupaient la capitale, et le comte de Méan, le nouveau prince-évêque, remontait sur son trône. Le baron rentrait à Jehay.
Behogne avait encore disparu. Mais tandis que ses deux comparses les plus compromis, Cordonnier et Loumage se dérobaient à toutes les recherches, lui-même fut pris à Herstappe et amené à Liège.
La cour des Echevins de Liège, 
prononça des peines d’emprisonnements et de bannissements et cinq condamnations à mort, dont celle de Behogne.
Un seul témoin rapportera ce jugement dans ses mémoires : François Garnier, le jardinier du château, fidèle  parmi les fidèles du baron . Behogne est accusé d'être le principal instigateur des désordres qui secouent la commune, lui imputant toute une série d'actions exécutées dans le seul but de soulever la population,et renverser l'ordre établi : pillage du moulin de la Paix - Dieu, violence et injures contre l'abbesse, arrogance à l'encontre de la baronne, appropriation de terres, proclamation du rattachement à la France.
Mais écrit l'historienne Anne Stiernet, "quelle valeur accorder au jardinier, adversaire acharné de la cause révolutionnaire" (8)

.L’ancien régime prit fin au village de Jehay, sur une vision d’horreur.
Le 26 mars 1794, à sept heures du matin, le condamné y fut ramené. On sonna pour la dernière fois la cloche du ban, et les habitants se rassemblèrent sur le batty, au pied
du gros tilleul, devant la brassine banale.
A huit heures, le bourreau fit faire plusieurs fois le tour de la placette à son prisonnier, puis sous les yeux de la population muette d’épouvante et d’indignation, il le décolla à la hache. Ainsi mourut, comme un malfaiteur, Augustin Behogne, coupable de délit d’opinion et de turbulence.  (Quelques semaines) plus tard, on l’aurait porté en triomphe, comme un héros »(7 bis)



Nous sommes depuis le 1er octobre 1795 partie de la République française, - et le baron van den
1796 Fête civique au château  photo (8)
Steen  s'est à nouveau exilé depuis juillet 94.Son "jardinier - homme de confiance"  veille sur ses biens .
Une fête civique est célébrée à l'abbaye de la Paix Dieu le 7 août 1796 : bonnet phrygien, arbre de la Liberté, statues représentant la Liberté et la Loi,  discours anti royaliste: la symbolique révolutionnaire est bien présente.
Ce jour aussi, le peintre Léonard de France organisa une cérémonie d'hommage à Augustin Behogne .
Remarquons ici qu'il ne reste rien de ce révolutionnaire impétueux et courageux, qui s'est battu et est mort pour nos libertés , pas même une  plaque commémorative! A Verviers pourtant, le martyr Chapuis a sa statue, et à Huy, Bouquette son monument...
Par contre, Mr le baron, lui... Même le bon jardinier François Garnier repose au château sous une pierre tombale.


LA PAROLE A UN   "PRO  ANCIEN REGIME " 

Il est rare devant l'acte d'accusation  contre l'Ancien Régime et ses méfaits, de pouvoir donner la parole   à ses partisans .
Et pourtant : la magie du net m' a fait découvrir ces lignes, d'un abbé Dupierry, qui j'imagine ne cesseront de vous surprendre...(9)
« La domination des princes évêques, la plus paternelle qui se puisse concevoir, disions-nous, rendait à leurs sujets la vie très douce.
 Le prince évêque de Velbruck avait représenté Liège à Paris. Doux et tolérant de nature, une fois monté sur la trône, il laissa faire; c'était l'empoisonnement lent et sûr des classes dirigeantes.
Son successeur, de Hoensbroeck. valait mieux. Mais il ne vit pas tout la danger,  fut indécis alors qu'il fallait agir et devint la première victime de l’émeute.
(...)
A Huy, la ville est sous la coupe du Citoyen Bouquette, un ouvrier  dinantais, au verbe haut; il ne craint pas de monter dans la chaire de la collégiale et d'appeler à l'émeute le ban et l'arrière-ban de la plèbe : on a tout à redouter de semblables meneurs.
De l'autre côté, un paysan de Jehay, le citoyen Behogne, terrorise véritablement son coin; à ses diatribes incendiaires, il ajoute des sévices, extorque de l'argent, spécialement des religieuses de la Paix-Dieu, menacées de la pire façon.

Heureusement que l'on touchait à la délivrance; précédés de chariots chargés de dépouilles opimes (trophées ndlr), les Français fuyant devant la nouvelle offensive autrichienne, partirent  le 5 mars 1793.
 Le prince-évêque de Méan, rentré dans sa ville, proclama bien une nouvelle et très large amnistie, mais il eut été de la dernière inconséquence de ne pas sévir, et sévèrement, contre les fauteurs de troubles. 
 
Monument à Jean Denis Bouquette   Huy
Le citoyen  Bouquette  paya d'audace, fut appréhendé par la maréchaussée, condamné à mort par les échevins de Liège et exécuté sur la grande place de Huy, le 25 mars 1794. 

Si nous en faisons mention, c'est que Bouquette fut le dernier décapité, dont la tête fut exposée aux fourches patibulaires; celles-ci étaient sur Falhize et les gens d'Antheit purent. à l'aspect de ce poteau portant la tête coupée, méditer sur les suites des révolutions.(sic !)

A Jehay. le citoyen Behogne fut appréhendé également.
Le pays ne se remet pas d'aplomb, il reste agité. Il y a des conciliabules secrets de révolutionnaires locaux; le prince- évêque est forcé d'augmenter les contingents de police. de faire multiplier les patrouilles. »

UNE REVOLUTION   INACHEVEE

La révolution liégeoise, on le voit, ne fut pas une « binamé révolution », comme on la présente souvent, mais un véritable affrontement des classes opprimées contre les 1% d'oppresseurs du haut clergé et de la noblesse.
Mais même si les paysans se soulevèrent ici et là à l'appel de révolutionnaires comme Behogne, même si les ouvriers et artisans des villes, à Liège , Verviers et ailleurs partirent à l'assaut de l'Ancien Régime, c'est la bourgeoisie des villes , qui menait la danse , elle, la classe ascendante qui voulait le pouvoir. Elle voulait se délivrer des multiples chaînes que les structures féodales mettaient à l'expansion de sa « liberté » de produire, de commercer , d'accumuler du capital et d'exploiter « librement«  le prolétariat.
En définitive, c'est elle qui en sortit victorieuse.
vente des biens nationaux de la Paix Dieu - photo (8)




Et remarquons que si le haut clergé, symbole du pouvoir absolu dans la Principauté fut la première victime du flux révolutionnaire – ses biens furent confisqués , pour être revendus comme biens nationaux et ses congrégations dissoutes – la noblesse , elle ne s'en tira pas trop mal.







Une sorte d'alliance de classe, voire de fusion, de la bourgeoisie montante avec la noblesse d'Ancien Régime caractérisera la Belgique pendant tout le XIXème siècle et bien après encore.
On l'a vu , la famille van den Steen de Jehay conserva ses propriétés.  
En 1802, l'amnistie lui sera accordée et en 1806, le baron est nommé maire de la commune de Jehay !
Son  fils  ,qui s'était, à 13 ans ,exilé avec son père ,  fut en 1830 élu à l'unanimité sénateur pour l'arrondissement de Waremme, lors des premières élections de la jeune Belgique. En 1832, il est nommé gouverneur de la province de Liège. D'autres van den Steen furent élus ,ici et là ,bourgmestres . 
 Même le plus haut clergé s'y faufila sans problèmes , puisque le dernier prince évêque de Liège, François- Antoine-Marie- Constantin de Méan , partisan acharné de la restauration réactionnaire de l'Ancien Régime en 1793 et responsable de la répression et de l' exécution des révolutionnaires Chapuis à Verviers, Bouquette à Huy et Behogne à Jehay, fut désigné en 1817 par Guillaume Ier des Pays Bas comme archevêque de Malines , honoré comme un grand personnage de l' Etat.
Et nombre de descendants de la vieille noblesse ont occupé d'importants fonctions dans l'appareil d'état du Royaume de Belgique, gouvernement, fonction publique, officiers d  'armée , magistrature , ou ont reconverti leur bien en capital.
D'ailleurs , preuve du prestige que l'on veut toujours accorder , au XXIème siècle (!!) à "l'état noble"
Chateau des vicomtes van Spoelberch à Wespelaer
,  les plus grandes fortunes de Belgique aujourd'hui sont nobles ou anoblies ; 11% de familles nobles   détiennent 56% de la fortune totale des 500 familles les plus riches : parmi ces 54 familles- 8 sont nobles « d'Ancien Régime »  comme le vicomte van Spoelberch , (Mr Inbev) , et 48 sont anoblies : les barons Solvay, Janssen, le comte Paul Boël , les barons Collinet , Jef Colruyt et Albert Frère etc.etc (10 )
Sans oublier, bien sûr,  primus inter pares , la famille des Saxe Cobourg Gotha !
On le voit, ami lecteur la révolution d' Augustin Behogne est loin d'être achevée !

Ah ! ça ira, ça ira ,ça ira les aristocrates à la lanterne.
Ah!  ça ira, ça ira, ça ira ,les aristocrates, on les aura !

"L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes.
Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte."
Karl Marx – La Manifeste du parti communiste – 1848



Sur la révolution liégeoise, voir aussi ROUGEs FLAMMES  février 2017:
et les nombreux blogs de Hubert Hedebouw "hachhachhh" dont:
Sur JEHAY, remarquable site des plus complets et riches : "Hyperpaysage de Jehay"

 http://www.hyperpaysagedejehay.be/plan-site.htm

NOTES
(1)Arthur Bovy :jehay sous l'ancien régime :http://www.hyperpaysagedejehay.be/ancien-regime.htm
(3) ibid
(4)A. Bovy :la brassine banale http://www.hyperpaysagedejehay.be/brassine.htm
(5)Eric Toussaint "La révolution liégeoise de 1789" mai 2007 
(6)
 Chronologie complète de La révolution liégeoise dans :http://perso.infonie.be/liege06/12douze0.htm 
(7)  (7 bis)Arthur Bovy  :"1789 - Augustin Behogne, un hesbignon malchanceux"
http://www.hyperpaysagedejehay.be/1789.htm
(8) Anne Stiernet :"1789 à Jehay et à la Paix-Dieu. Scènes de la Révolution liégeoise ...( d'après les souvenirs de François Garnier, jardinier du château)"
(9)Histoire d' Antheit et de sa   paroisse  Abbe Dupierry  
(10)L'Echo 8 mars 2017

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